vendredi 11 novembre 2011

Vrai du faux

 

Pour faire suite à l’article précédent (“pas volé”), et pour en terminer sur ce sujet (j’espère, à moins d’un nouvel énervement), je me demande quelles mouches piquent donc ces gens qui se font fort aujourd’hui  d’enseigner le dessin ou la peinture sous prétexte qu’ils ont pu exposer une ou deux images dans la première foire aux tableaux venue, et qu’ils se sentent alors peintres ?  Autant de charlatans qui pensent sans doute profiter du vaste courant de loisirs créatifs auquel on associe malheureusement la peinture, en ouvrant des cours d’aquarelle par-ci, des leçons de pastel par-là, et des ateliers d’art abstrait dans tous les coins. Tout ça évidemment dans une ambiance “conviviale et ludique”, comme il se doit.

A leur décharge, rien sur le contenu, le savoir, la pédagogie n’encadre  l’installation en tant qu’enseignant indépendant, sauf quelques critères administratifs, et il est donc très facile de se déclarer comme tel (c’est d’ailleurs ce que j’ai fait, il y bien des années, comme l’on fait et le feront bon nombre d’artistes, de tout temps). Ajoutons à cela les nombreuses associations de loisirs bien peu regardantes sur la formation des vacataires qu’elles emploient pour dispenser des cours d’arts plastiques.

Je suis sidéré : tous les “élèves” de ces imposteurs sont-ils tellement crédules ou innocents  qu’ils ne cherchent pas à en savoir plus sur la légitimité de l’enseignant ? Ils acceptent de  travailler sous la houlette d’un peintre autoproclamé dont ils n’auront jamais vu un travail d’ensemble cohérent, représentatif d’une personnalité. L’esprit critique général s’est-il tellement appauvri  que l’on ne s’aperçoit pas de la parfaite indigence des productions de certains de ces animateurs d’ateliers ? Reconnaissons que ce cercle est vicieux : pour avoir ce discernement, il faudrait être un tant soit peu formé…

Chaque personne choisissant d’étudier dans mon atelier peut connaître mon travail de peintre. Du simple bon sens puisque rien d’autre dans notre statut ne peut asseoir notre légitimité. Il me semble qu'un enseigné doit connaître le parcours, la formation et l’œuvre de l’enseignant, et cela dans bien des disciplines, même loin de l’art.

Peut-on transmettre la peinture si l’on ne peint pas, l’art si on ne crée pas ? On ne pourra que donner des pistes techniques, des modèles, des consignes établies par d’autres, mais on ne pourra rien dire de l’acte créatif, évoquer ses troubles,  ses mystères, ses déséquilibres. Peut-on enseigner le peindre si l’on patauge dans les lieux communs ? Comment dire le risque si l’on n’en prend pas soi-même ? On transmet mieux un vécu qu’une rumeur, un qu’en-dira-t-on ou une supposition…

Quelques uns s’engouffrent par cupidité dans une profession non réglementée, qui accueille donc sans ciller vrais et faux artistes, vrais et faux pédagogues, sans que personne ne cherche véritablement à les distinguer. Porté et transmis par  ces pseudo-enseignants-artistes, le goût pour la facilité et le déjà-vu se répand alors dangereusement. Grâce à eux, la médiocrité et la confusion artistiques ont de beaux jours devant elles.